Réchauffement climatique et Biodiversité

Le réchauffement climatique, une réalité


Le réchauffement climatique global est maintenant acté par l’ensemble de la communauté scientifique à travers le Groupe d'experts Intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Les experts mettent en évidence la gravité des changements en cours et le rôle crucial des émissions de gaz à effet de serre. Les activités anthropiques en sont les causes principales. Ainsi, la teneur de l’air en gaz carbonique est passée de 385 ppm en 1980 à 523 ppm en 2022 (NOAA). Le sixième rapport du GIEC, paru en 2023, indique que la température moyenne s'est déjà élevée de 1,1°C par rapport à la période pré-industrielle, soit +1,59°C pour les milieux terrestres et +0,88°C les milieux océaniques (IPCC, 2023). Il serait possible de limiter le réchauffement sous 2°C en cas de forte baisse de nos émissions de gaz à effet de serre, mais sans modification des politiques actuelles, le réchauffement atteindrait 3,2°C en 2100.  Le changement climatique s'accompagne également  d'une modification du régime des précipitations, augmentant les risques de sécheresses et/ou des fortes précipitations.

Le réchauffement global entraîne des changements irréversibles : hausse du niveau marin, fonte des glaciers et du permafrost, réchauffement et acidication des océans, diminution de la capacité d'absorption du CO2 par les milieux naturels.

D’après l’observatoire pyrénéen du changement climatique (OPCC), le réchauffement de + 1,1°C depuis 1900 dans le Sud-Ouest de la France et le massif des Pyrénées constaté par Météo France, a entrainé la remontée en altitude des espèces végétales de 3 mètres par an entre 1971 et 1993 et de plus de 64 mètres pour les espèces forestières (source INRA, 2008). D’après Météo France, une diminution de 15 jours d’enneigement entre 1971 et 2008 a été constatée en moyenne montagne sur le site d’Hospitalet, situé à 1400 m d’altitude.

Depuis 2001, un suivi des glaciers des Pyrénées est réalisé par l'association Moraine permettant de mesurer l'évolution physique des glaciers (surface, volume...). Depuis 1850, la surface des glaciers pyrénéens a diminuée de 90 %. La comparaison de photographies actuelles et de photographies anciennes illustre bien leur régression impressionnante. Il est prévu une disparition des glaciers pyrénéens d'ici 2100.

Evolution des surfaces englacées des Pyrénées (association Moraine)

Evolution des surfaces englacées des Pyrénées (source : association Moraine)

 

 

 

Les effets sur la biodiversité

Les effets de ces changements climatiques sur les écosystèmes et la biodiversité sont déjà conséquents. Par exemple, ces dernières années suite au changement du régime des pluies, le Crapaud doré Bufo periglenes a disparu du Monte Verde au Costa Rica (Pounds et al., 2001). Le changement des températures a une influence sur les cycles de floraison des plantes (Penuelas et Filella, 2001), sur la phénologie de reproduction des Amphibiens (P. exe. Reading, 1998) comme chez la Grenouille rousse Rana temporaria en Angleterre (Beebee, 1996) et des oiseaux (P. exe. Dunn & Winkler, 2010) mais aussi sur les interactions compétitives, prédateurs-proies (P. exe. Bretagnolle & Gillis, 2010). L’augmentation de la température engendre une augmentation des aires de répartition de certaines espèces comme la Couleuvre verte et jaune Hierophis viridiflavus et la Vipère aspic Vipera aspis ou une diminution d’aire pour d'autres comme la Vipère péliade Vipera berus (Naulleau, 2003). En Angleterre, l’Argus brun Aricia agestis a connu une expansion vers le nord ces dernières années (Buckley et al., 2011).

Des changements de composition des communautés sont observés, notamment chez les Oiseaux et les papillons Rhopalocères, qui se traduisent par une augmentation des indices thermiques (CTI - Community Temperature Index) (Devictor et al., 2012). Localement, une augmentation d'indices thermiques a été démontré concernant les oiseaux hivernants de la baie de Bonne Anse (Thirion & Vollette, 2021) ou les papillons du marais de Brouage (Alleman et al., 2024). Des changements importants sont également observés dans les milieux marins avec une tropicalisation des communautés marines Atlantiques et une perte de biodiversité des espèces à affinités d'eaux froides (Chust et al., 2024). Les changements climatiques peuvent également avoir un effet sur la diversité génétique d’une espèce où certains écotypes sont plus sensibles (Thomas, 2005).

Des suivis scientifiques sont menés afin de mieux comprendre l'évolution de la biodiversité sur le long terme en lien avec le changement climatique, comme le programme ORCHAMP mis en place dans les montagnes des Alpes et des Pyrénées.

Les Amphibiens et les Reptiles face au réchauffement climatique

Les ectothermes terrestres tels que les Reptiles et Amphibiens ne possèdent pas de possibilité de production de chaleur. Leur activité dépend de la température environnementale et de ses fluctuations. Par exemple, une augmentation moyenne de température de 1°C est susceptible d’augmenter les dépenses métaboliques des ectothermes d’au moins 10 à 30% (Samways, 1994). Le réchauffement climatique a ou aura un impact conséquent sur les populations et leur capacité à s’adapter en fonction de l’histoire évolutive des espèces.

Des études sur Zootoca vivipara ont pu mettre en évidence des effets positifs du réchauffement à l’échelle des individus (augmentation de la taille corporelle, de la fécondité et la survie) mais des conséquences négatives à l’échelle des habitats et de la distribution de l’espèce (Chamaille-Jammes et al., 2006) ainsi que sur la survie et la croissance des juvéniles en fonction des sécheresses (Le Gaillard et al., 2010). Pour la Vipère aspic, le succès de reproduction est optimal dans les régions aux températures chaudes de plus de 24 °C (Lourdais et al., 2004).

Le réchauffement climatique va entrainer ces prochaines années un changement profond des aires de distribution des Amphibiens et Reptiles. En Espagne, la distribution potentielle actuelle et future des espèces a été modélisée selon, 3 modèles régionaux du climat et deux types de scénarios de l’IPCC (Intergovernmental Panel on Climate Change), à l’horizon 2100 (Araújo et al., 2011). Cette étude montre que des espèces d’Amphibiens et de Reptiles auront probablement des réductions d’aire de répartition très importante, plus de 90 % d’ici à 2100 comme pour le Calotriton des Pyrénées Calotriton asper ou la Vipère de Seoane Vipera seoanei et de 100 % comme pour la Grenouille des Pyrénées Rana pyrenaica et le Lézard pyrénéen de Bonnal Iberolacerta bonnali.

Des études récentes laisseraient à penser qu’il y aurait une compétition interspécifique entre le Lézard des murailles Podarcis muralis et le Lézard pyrénéen de Bonnal (Pottier, 2007 ; Monasterio et al., 2010). Le réchauffement climatique entrainerait des conditions plus favorables en milieu subalpin et alpin pour le Lézard des murailles, dont l’augmentation démographique permettrait de coloniser les habitats du Lézard pyrénéen de Bonnal, induisant des extinctions de populations dans les zones de contact.
Le réchauffement climatique aura également un impact sur le régime de l’eau des habitats de reproduction des Amphibiens dont certains s’assécheront avant la fin du développement larvaire (Blaustein et al., 2010). La diminution de la hauteur de l’eau engendre une plus forte exposition des embryons aux rayons UV-B, augmentant la mortalité des oeufs. Le réchauffement climatique favorise également la propagation du champignon Batrachochytrium dendrobatidis (Bosch et al., 2007).

Ainsi, de nombreuses études confirment que le changement climatique a déjà des impacts sur l’herpétofaune dont Henle et al. (2008) ont réalisé une synthèse bibliographique européenne qu’il faudrait mettre régulièrement à jour car les effets vont aller en s’amplifiant.